mardi 30 octobre 2012

♫ Soyons sérieux, disons le mot, c'est même plus un cerveau, c'est comme de la sauce blanche ♫

J’avais cru Titus découragé par mes réponses espacées et peu enthousiastes, c’était mal le connaître. Après quelques jours de pause, il était reparti de plus belle, me racontant les petites choses de son quotidien, m’envoyant des messages aux moments clés du mien – par exemple : Ton week-end commence vraiment, alors que je venais de déposer mademoiselle A chez son père – montrant avec empathie qu’il se souvenait parfaitement de tout ce qui me concernait.

Ce n’était pas facile d’être amoureuse de E. car il était doté d’un jet très puissant. Un jet de douche écossaise je veux dire. Passant de plusieurs mails par jour, au point que nos échanges relevaient plus du chat que de la messagerie électronique, à quelques mots laconiques. Soufflant le chaud, à base d’allusions sexuelles toujours drôles, et le froid, à base de J’ai piscine en réponse à des propositions de rendez-vous. Je croyais comprendre qu’en tant que célibataire amateur de musique, d’art et de sports, E. avait un agenda culturel bien rempli qui laissait peu de place à une vie, sans même parler de sentimentale, ne serait-ce que sexuelle. Une fois par semaine mais pas deux. Cela ne tombait pas si mal car j’avais moi-même peu de disponibilités. Et je trouvais que les moments d’attente et de montée étaient presque aussi bons que nos retrouvailles. Comme je lui proposai Samedi ? il reproposait Mercredi, en raison d’un tennis dominical, et je trouvais cette solution heureuse, car la perspective, même incertaine (qui savait ce qu’il pouvait bien prévoir de faire en cette Toussaint ?), de se réveiller ensemble et d’avoir un peu de temps, valait bien le report (d’autant que j’avais oublié que je devais avoir mes règles. Je préférais être en accessibilité universelle pour E.).

Ce week-end-là  je prévoyais de ne rien faire, un cinéma, du repos, des choses calmes et non alcoolisées. Mais Titus envoyait un SMS signifiant qu’il espérait vivement me voir très prochainement et je lui proposais de venir prendre un verre à la maison. J’avais mes règles, donc,  et pas envie de lui sexuellement et je pensais que ce serait l’occasion de donner à notre relation une tournure amicale. Après plusieurs verres et beaucoup de musique, il était l’heure d’aller danser, j’étais motivée, Titus suivrait quoi qu’il arrive.

Et puis ça bascule, évidemment.

Brusquement, vers 3h, 4h, je ne sais pas, un homme m’accoste alors que je quitte la piste de danse pour fumer une clope. Hey, tu tapes toi ? Comme je réponds positivement, il enchaîne Viens, on fait le tour du pâté de maison, mets ta main comme ça. Il en verse un peu dans le creux entre mon pouce et mon index, je renifle, c’est cool. En fait ils sont deux, l’espèce d’Huggy les bons tuyaux juvénile, sec et nerveux, qui rabat le gibier,  et son acolyte, plus baraque, plus grave, le boss, celui qui me veut. Ils proposent qu’on continue la soirée chez moi. Par la cocaïne alléchée, j’accepte, à condition que Titus vienne avec nous. Dans mon salon je prends fugacement conscience que c’est n’importe quoi, que j’ai pris des risques inconsidérés, que ça peut être des vrais méchants (Big Boss est en sursis, de combien, pourquoi, il ne développera pas) qui ne me veulent aucun bien, que je suis très conne décidément. Mais on tape, sauf Titus, elle est bonne, Big Boss a pris le contrôle de l’ordinateur à base de gros rap qui tache, il tente une prise de contrôle sur moi-même mais je l’ai déjà briefé, rien à espérer ce soir. J’ai de nouveau des visions sanglantes et comme des petits frissons intérieurs.

Et puis, de façon inattendue, ça rebascule.
Les gars sont passés à Boris Vian, et on danse en tourniquette pour faire la vinaigrette. S’ensuit une  session free style impro à base de Gainsbourg et Dalida…Une espèce de communion surréaliste. Il fait jour depuis longtemps, je dois gérer ma descente avant le retour de mademoiselle A. Big Boss, en descente de MD pour sa part, s’est endormi comme une souche sur le canapé. Je me mets au lit avec Titus pendant qu’Huggy l’insomniaque reste aux commandes. Vers midi Titus se lève pour aller bosser, il met tout le monde dehors selon mes indications, Big Boss prend mon numéro et mon écharpe en otage.

4 commentaires:

Cristophe a dit…

Pourquoi l'écharpe ? Il y a un symbole ? Un message du genre "Je peux t'étrangler" ?
Peut-être que tout simplement il craignait le froid...

Bob a dit…

Merci de développer ce concept :
"on danse en tourniquette pour faire la vinaigrette"
(vu que je reçois mes beaux-parents ce week-end et que je suis en manque d'idées d'activités pour eux, c'est histoire de savoir si je peux leur fourguer le plan)

Anonyme a dit…

C'est un basculement qui ne me semble pas trop méchant. A la limite, je le souhaite. Ben oui, je m'identifie un peu à E. moi. Un peu, j'ai dit, juste un peu.

Nononyme

Ada a dit…

Cristophe, c'est en effet une question de température à la base, il se l'était enroulée autour du cou dès son arrivée chez moi. C'est dommage, j'y tenais à cette écharpe...mais pas assez pour consentir à le revoir, et puis il ne faut jamais négocier avec les kidnappeurs, sinon où va le monde ?

Bob, cette activité nécessite une grosse quantité de drogue à consommer sans modération. Ensuite chacun découvre la tourniquette qui est en lui. Les plus aguerris peuvent se lancer dans la vinaigrette mais je ne le conseillerais pas à des débutants, sauf fringale et salade sous la main.

Nononyme, rien de méchant je te le concède mais ça aurait pu très mal tourner. Huggy ne cessait de dire que j'étais vraiment sympa car "la confiance ça ne se donne qu'une fois" et tout en me rassurant cette phrase leitmotiv me faisait froid dans le dos...Quant à une quelconque activité sexuelle, c'était exclu dès le départ.